
À l’heure des cultures sur cellules souches qui devraient substituer des expériences sur le règne animal, créer et pourvoir des cellules, tissus réparateurs, avec même l’objectif dans les années qui viennent d’organes cultivés en laboratoire, l’exploitation animale malgré tout progresse encore ! Un site va s’agrandir par la construction d’un centre national de primatologie dans la commune de Rousset qui vise à augmenter le nombre de singes élevés en captivité et pouvant être utilisés dans l’expérimentation animale en France.
L'expérimentation animale, les chiffres en France
En 2021, la France a réalisé des expériences sur 3 500 primates !
Pourtant aujourd’hui est reconnue la méthode par l’observation qu’une mission étudie les comportements de primates dans le cadre de pathologies dont ils peuvent être atteints et comment ils se soignent. Cette science se nomme l’éthologie. Elle consiste à étudier le comportement des espèces animales, y compris l’humain, dans son milieu naturel (parfois dans un environnement expérimental), par des méthodes d’observation et de quantification des comportements animaux. Le but est de pouvoir extraire des principes actifs contenus dans les plantes choisies par ces singes pour se soigner. L’objectif est de pouvoir ensuite appliquer les molécules trouvées à l’homme pour les mêmes symptômes.
En 2022, on dénombre 1 802 025 utilisations d’animaux à des fins scientifiques. 62 % pour la recherche fondamentale et appliquée (recherche dite translationnelle) et 24 % pour la mise au point, production et essais d’efficacité et d’innocuité de médicaments ou d’aliments. Ces études toxicologiques ou réglementaires (Ce sont des études imposées par des textes européens – comme le règlement européen dit REACH – ou issus de l’OCDE) sont avant tout réalisées sur des souris (environ 200 000 individus) et des lapins (environ 180 000 individus). Des animaux d’élevage sont également concernés, dont les volailles (environ 15 000 dindons et 9 000 poules, coqs, poulets) ; enfin, les chats (environ 400 et uniquement pour l’étude des médicaments et des produits alimentaires destinés aux animaux), des chiens (environ 3 000) et des primates non humains source (https://chaire-bea.vetagro-sup.fr/experimentation-animale-quelle-utilisation-des-animaux-en-2022/)
Expérimentation animale et plantes médicinales
Se référer à des résultats obtenus d’après des essais sur les animaux semble pourtant bien fragile et ténu. Dans notre domaine que sont les plantes médicinales, l’expérience, les écrits que ce soient depuis l’Antiquité, puis le Moyen-Âge jusqu’au début de la Renaissance n’ont prouvé les effets des plantes que par l’observation, l’analogie, le ressenti, la réceptivité que l’on peut qualifier de médiumnique. Mais quel crédit à apporter sur les expérimentations d’extraits ou de molécules tirées du monde végétal sur des animaux fussent-ils des rongeurs, des canidés, des ovins ou même des bovins ? N’ont-ils pas un métabolisme différent du nôtre ? De cellule à cellule, cela peut encore se comprendre dans la mesure où les deux règnes végétal et animal proviennent du même eucaryote, auquel cas un prélèvement infime sur l’animal est sans conséquence ni douloureux ; et point n’est besoin de l’animal « entier ».
La recherche pharmacologique observe les effets physiologiques, neurologiques, endocriniens d’une substance sur la souris, le rat ou le chien et permet de définir des limites entre les actions thérapeutiques et les effets indésirables voire toxiques et mortels, car on n’hésite pas à pratiquer des essais jusqu’à la mort de l’animal. Ce qui donne la légitimité d’annoncer les limites et les formes létales du remède testé. Une manière qui semble rassurante et cautionne à prescrire des dosages bien précis. Tester la possible irritation d’un produit sur un chien lorsque l’on sait que certaines substances seront allergènes pour l’homme et non pour l’animal semble inopportun comme preuve de validation ! Par exemple, l’essence de coriandre injectée dans les veines d’un chien (0,03 g par kg d’animal) détermine une excitation sensorielle et génitale suivie de dépression ; avec une dose de 0,06 g par kg, on constate que c’est « presque » toxique ; les symptômes étant : violente ivresse, anéantissement des forces et du sommeil. Au-dessus de cette dose, la paralysie des centres nerveux est pratiquement immédiate et peut aller jusqu’à la mort (Cadéac et Meunier. Prov. Méd., 8 nov. 1890). Il est conclu que l’huile essentielle de coriandre est moins toxique que celle du fenouil ! Les exemples pourraient être multipliés par 100 et autant de chiens sont morts des suites de ces expériences. L’expérimentation animale qui, si elle était, dans l’esprit, la normalité à la fin du XIXe siècle, tombe dans la banalité et semble être acquise en 2025.
Effets différents des plantes sur les animaux et les humains
Par contre, la science admet et cite les effets potentiels et réels des plantes qui peuvent être différents selon qu’il s’agit d’un animal ou d’un humain. C’est un constat qui date et, sauf erreur de ma part, n’est pas expliqué complètement scientifiquement. S’il n’y a pas croisements avec d’autres outils d’investigation des effets et risques d’un médicament tiré d’une plante, sujet qui nous intéresse ici, s’en remettre au seul test expérimental sur l’animal est aléatoire. Le concept veut que l’effet opéré sur l’animal puisse être transféré comme processus identique ou très proche sur l’humain. Sur ce paradigme, bien des plantes devraient alors nous être sérieusement interdites. Par exemple manger du persil, tue les oiseaux (poules, perroquets, perruches). Le mouron blanc (Anagallis arvensis) est toxique pour les chevaux, les moutons, les poissons et les oiseaux ; en extrait fluide, il soigne l’asthme des foins chez l’humain. Voici encore d’autres exemples :
Les rongeurs, (rats, lapins, cobayes), le cheval, l’âne, le mouton, les chèvres et le chien résistent fort bien à la belladone (Atropa belladonna) qui est hautement toxique pour l’homme (leur chair et leurs sécrétions deviennent souvent vénéneuses pour l’homme).
La scrofulaire (Scrophularia nodosa) est broutée par les chèvres et produit chez les autres animaux de l’entérite et de l’hématurie. Lewin relate un empoisonnement par cette plante, mortel pour 2 chevaux sur 6 qui en avaient mangé avec de la luzerne (dilatation pupillaire, sueurs, salivation et tachycardie), alors qu’en médecine vétérinaire et humaine, elle soigne les inflammations ganglionnaires.
Les graines de courge (Cucurbita pepo) donneraient de la diarrhée aux moutons à la dose de 400 g pendant trois jours. Des chevaux ont montré des signes de troubles après l’ingestion de courge fraîche (grand engourdissement, respiration ronflante, dilatation de la pupille, fièvre 39,6 °C et tremblements musculaires, mais non mortels). On observe quelques troubles chez les bœufs (Lewin, p. 722). Alors qu’on donne la graine comme bon vermifuge pour tous les animaux, les oiseaux de basse-cour, pour les porcs, les chiens, les chats et l’humain.
Des petits porcs périrent après avoir mangé des épluchures de concombre avec les symptômes de l’entérite. Devons-nous éplucher systématiquement les concombres ?
La scabieuse (Scabiosa succisa) est un poison pour les bestiaux provoquant une inflammation violente de la bouche et de la langue. (Moir J. veter. Rec., 11, 524 (d’après Pharm. J., 1899,62,432.), mais pas pour l’humain.
Le galega (Galega officinalis) intoxique les moutons et les tue en grand nombre (Blanchard, Bieler) alors qu’elle donne du lait aux vaches et en tisane, soigne le diabète chez l’humain.
La ciguë vireuse (Cicuta virosa) est supportée par le chien, les phénomènes d’intoxication surviennent chez les animaux 15 à 30 min après l’ingestion, la mort en 3 ou 4 heures, mais ce dénouement n’est pas général et il a été observé des retours à la santé. Dans le principe, la ciguë devrait être « validée » pour l’humain ! Le chien a été et est encore l’objet d’expérimentation pour les effets des molécules des plantes, et ce, souvent en injection.
La grande ciguë (Conium maculatum) chez le chien comme le chat ne provoque aucun symptôme après l’ingestion de 100 g de ciguë fraîche. Les oiseaux et petits ruminants y sont réfractaires. Il faut 2 à 2,5 kg de plante fraîche pour tuer un cheval et 4 à 5 kg pour tuer un bœuf. Pourtant, l’être humain succombe à l’absorption de 6 g de feuilles !
La carotte est toxique pour la souris et le furet. Souris dont on notera qu’elle est de toute manipulation scientifique. Si l’on s’en tient et se limite à cet exemple, la carotte devrait être suggérée avec prudence !
L’hydrocotyle a provoqué chez des moutons une inflammation des voies digestives supérieures avec hématurie alors qu’elle est vulnéraire en voie interne pour l’homme !
Le tabac est très toxique et les ruminants le broutent avec avidité et sans effet sauf pour le bœuf ! ; par contre, la chair des animaux empoisonnés est dangereuse à consommer. Savons-nous pourquoi le bœuf y est insensible ? et pas les autres ruminants ?
La nicotine à la dose de 8 gouttes tue un cheval en 4 minutes et à la dose de 2 gouttes un gros chien. Par contre, l’accoutumance est très rapide ! Un lavement de 2 g de feuilles (nous ne savons pas si elles étaient fraîches ou sèches ?) a provoqué un empoisonnement mortel chez un enfant. Le tabac est en vente libre mais avec une assertion que c’est du poison !
Chez les animaux de compagnie, l’oignon provoque l’hémolyse avec anémie. C’est un grand remède pour l’humain.
L’ivraie est un poison, non seulement pour l’homme, mais aussi pour les moutons, les chevaux et les poissons, tandis qu’elle ne serait pas nuisible aux cochons, aux vaches, aux canards et aux poulets.
(GASPARD (Bernard) et CLABAUD (Jean-Baptiste), Dissertation physiologique sur la gazéification vitale et Dissertation sur l'ivraie, 1812 et 1813).
D'autres chemins possibles
L’argument « ça sauve des vies » est une projection et un prétexte purement égocentriques qui « arrangent » d’autant que nos époques sont de plus en plus marquées par la panique à l’idée de la mort. Les gaulois n’avaient peur que d’une seule chose : que le ciel leur tombe sur la tête ! Aujourd’hui, parmi toutes les peurs qui assaillent nos concitoyens, celle de la mort est en tête de liste. D’où l’émergence du transhumanisme, idéologie d’une espérance au droit à l’éternité. Les conséquences sont un droit de vie ou de mort sur tout le vivant souvent par une poignée de penseurs si nous pouvons appeler ces chercheurs des idéologues !
D’un autre côté, la science n’est pas à l’initiative des découvertes des propriétés pourtant réelles des plantes suivantes :
Le bouillon blanc agit sur le trijumeau (aucune étude le confirme) ; les propriétés de la digitale, qui est évitée par la plupart des animaux, ont été découvertes par un herboriste anglais (sans étude en laboratoire).
Les pouvoirs de l’épilobe datent de Maria Treben qui la fait découvrir et sans se tromper sur ses propriétés.
La capacité à sentir si une plante est bonne ou non et pour quel problème de santé elle va agir est une des missions des chamans qui communiquent avec les esprits. Apprendre à recevoir des informations de mondes invisibles étaient le lot des médecins de l’Antiquité, même si la connaissance s’est entourée de superstitions, de rituels et de magie.
De plus, les exemples de molécules isolées qui se comportent différemment du totum (toutes les parties) de la plante sur le métabolisme humain voire même pouvant présenter des effets contraires ne manquent pas. Les ginsenosides concentrés font monter la tension, pas le ginseng en poudre ; on ne sait toujours pas quelle molécule, alors qu’on connaît la composition de la passiflore (alcaloïdes, glucosides flavonoïques, stérols) qui agit sur la détente nerveuse ? Pourtant cette plante satisfait un grand nombre. L’application d’une réserve, d’un principe de précaution, sans justifier de contre-exemples, est de mise tant que la pharmacologie n’aura pas « prouvé » l’efficacité comme l’innocuité de la plante ou d’une de ses molécules. Les herboristes, phytothérapeutes, aromathérapeutes et homéopathes de terrain ont une pratique et une expérience réelles et leurs opinions devraient peser et être prises en compte dans le cadre d’études sur les propriétés d’une molécule de plante. C’est souvent grâce à l’ethnopharmacologie et l’ethnobotanique que l’on confirme des propriétés des plantes ; le curcuma et le soja qui sont employés depuis plus de mille ans en sont des exemples. Et là effectivement, entrecroiser les expériences et les connaissances cumulées sur le terrain serait plus réaliste, plus enrichissant et la science devrait s’en inspirer plutôt que de vouloir s’approprier hégémoniquement des découvertes en s’appuyant malheureusement le plus souvent que sur l’expérimentation animale.
La fin de l'expérimentation animale ne semble pas pour demain
La science, comme toute autre religion, procède à des sacrifices d’animaux sur l’autel de la recherche. Il ne faut pas fâcher les dieux et surtout bien les nourrir si l’on veut qu’ils exhaussent nos prières de pouvoir conserver la santé, prolonger la vie.
La science, ici, au nom de l’étude accepte de torturer (non pas d’abréger les souffrances) et fait fi des souffrances créées au nom du bien recherché pour le plus grand nombre, même si des protocoles sont élaborés afin que ces souffrances soient les plus atténuées possibles.
L’enfer est bien pavé de bonnes intentions.
À l’heure où j’écris ces lignes, One Voice alerte sur le détournement d’un acronyme de langue anglaise NAMs « Non-Animal Methods » qui est détourné par les protagonistes de l’expérimentation animale. Si le label exclut totalement l’utilisation d’espèces animales et repose sur de réelles alternatives (organoïdes issus de cellules humaines, modèles informatiques couplés à l’intelligence artificielle, ou encore cultures cellulaires) Il s’avère que sous couvert de cet acronyme, les tissus et organes des animaux sont toujours utilisés… Ainsi, bien que les tests ne soient plus réalisés sur des individus vivants, ceux-ci continuent de mourir pour l’expérimentation… nous cite One Voice (https://one-voice.fr/news/nams-ou-quand-un-meme-acronyme-cache-deux-realites-opposees-pour-les-animaux-de-laboratoire/?fbclid).
Conclusion
Je termine ce texte par cette phrase de Gandhi
"On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux"
Michel Dubray